Votre associé s’en va et vous ne voulez pas qu’il exerce la même activité que vous et qu’il devienne un concurrent direct ? La clause de non-concurrence est un moyen de le dissuader de piquer vos clients ou d’exercer la même activité que vous en toute impunité. Mais comment et quand la rédiger ? Je vous explique tout ce qu’il faut savoir pour la bétonner et augmenter les chances de la faire respecter…
Le détournement de clientèle et la pratique de la même activité constituent une concurrence déloyale. Tout comme le débauchage de personnel clé et le dénigrement de son ex-associé. Rappelez-vous : Si votre société est assimilée à un corps humain, le cerveau représente les associés, le cœur, le personnel clé et les poumons, les clients.
Au moment de vous séparer de votre associé, le risque est grand qu’un de ces organes vitaux soit touché. Le comportement déloyal de votre ex-associé conduit à un dysfonctionnement de votre société voire sa faillite.
La première étape pour vous protéger : faire signer à votre ex-associé une clause de non-concurrence.
Principe n°1 : les clients appartiennent à la société
En vendant ses parts, votre ex-associé accepte de laisser les clients derrière lui. En principe, donc, il ne doit plus avoir de contacts avec eux (sauf si vous avez pris des accords spécifiques au moment de la séparation). Et si un ancien client contacte votre ex-associé, celui-ci doit le transférer vers la société qu’il a quittée.
L’associé qui ne respecte pas ces principes est en infraction, surtout si une clause de non-concurrence a été signée !
Pour celui qui reste, c’est en quelque sorte une double peine. Cette perte de clientèle s’ajoute à une situation financière plus fragile puisqu’il a dû mobiliser du cash pour racheter les actions de son ex-associé…
D’où l’importance de répartir les dividendes de votre société régulièrement – je vous explique tout ICI.
La concurrence déloyale, pas toujours de la mauvaise foi !
Contrairement à ce que vous pourriez penser, exercer la même activité n’est pas toujours le fruit d’une mauvaise foi. Il se peut que votre ex-associé n’ait pas trop le choix, en fait. Il se peut qu’il ne sache (ou ne veuille) rien faire d’autre que ce qu’il a toujours fait avant de partir.
Changer de vie n’est pas si simple ! Sans un nouveau projet solide, sans rentrées financières suffisantes, la tentation est très grande de franchir la ligne rouge… et de reprendre son activité (en vous faisant concurrence !).
En d’autres mots : ce n’est pas parce que votre ex-associé jure qu’il va lancer une autre activité que ce sera le cas. Et sans clause de non-concurrence, rien ne l’arrêtera… Celle-ci est donc le meilleur moyen de le dissuader.
Pourtant dans la pratique, il est trop rare que des associés prévoient pareille clause.
Pour aller plus loin… la concurrence déloyale, qu’est-ce que c’est ?
Quand introduire une clause de non-concurrence ?
1. Au moment de vous associer
L’avocat que je suis vous dira que le meilleur moment est quand tout va bien. Autrement dit dès le début de l’association. Prévoyez-la dans le pacte d’actionnaires, pour protéger à la fois la société et les associés qui l’ont créée.
S’il n’y a pas de pacte d’actionnaires, une simple feuille A4 fera l’affaire (rédigée en deux exemplaires – une pour chaque associé -, signée par les deux parties… et à conserver précieusement !).
Cas vécu : C’est exactement ce que Karine, ma compagne et associée, n’a pas fait dans sa précédente association. Résultat : l’autre est partie avec les clients de la boîte sans aucun scrupule, sans dédommagement aucun pour le manque à gagner de ma compagne, et par-dessus tout en la dénigrant auprès d’eux (d’ailleurs on vous reparlera de la clause de non-dénigrement dans un prochain article !).
2. Pendant la vie de l’association
Autre possibilité : quand ça commence à sentir le roussi et que la mésentente est palpable. A nouveau, une simple page A4 peut suffire. Sachez cependant qu’il vaudra mieux avoir un moyen de pression sur l’autre pour lui faire signer la clause à ce moment.
3. Au moment de la séparation
Dernière possibilité : insérez cette clause dans la convention de cession d’actions lors de la négociation de rachat des actions à celui qui part. C’est le cas le plus souvent rencontré.
Comment rédiger une clause de non-concurrence ?
Pour commencer, une clause de non-concurrence doit contenir ces trois critères bien connus :
L’objet de la clause
C’est-à-dire la définition précise du secteur d’activité à protéger… Entre nous, c’est l’exercice le plus difficile ! L’activité à protéger est celle réellement exercée par la société, et/ou celle que la société pourrait développer sur la base de ses ressources déjà existantes (son potentiel).
Concrètement : une société est spécialisée dans les adoucisseurs d’eau. Mais en réalité elle a les ressources existantes pour développer toutes les solutions liées au traitement de l’eau. La clause pourrait être alors étendue à cette future activité.
La zone géographique
Vous devez délimiter la zone du business actuel et celle du futur business. Pas toujours évident en fonction des secteurs d’activité, comme par exemple pour un business digital. Ça se fait au cas par cas.
La durée de la clause
C’est-à-dire le temps durant lequel l’associé qui part ne peut pas exercer la même activité que celle qu’il quitte… Cette durée est le plus souvent de 2 ans. Mais en fonction des cas, elle peut être de 3, 5, voire 10 ans maximum. Mais ces durées plus longues doivent pouvoir être justifiées.
Ma recommandation : 5 ans si vous voulez être tranquille…. A condition que l’autre accepte. La durée est pour moi le critère le plus sensible à négocier.
La pénalité financière : le 4ème point à ne pas louper !
Mais un 4ème critère est à prévoir absolument si vous voulez blinder votre clause de non-concurrence: la pénalité financière. Peu de gens y pensent, et pourtant, sans elle, les trois critères mentionnés juste avant ne sont que des mots sur un bout de papier !
La pénalité financière est le meilleur moyen pour faire pression et dissuader votre ex-associé sans devoir passer par la case avocat ou juge. Ce montant forfaitaire ne compensera pas forcément la totalité du manque à gagner. Mais je peux vous assurer qu’il aura un vrai effet dissuasif !
Sans elle, c’est le chemin de croix assuré :
? pour faire reconnaitre par un tribunal l’infraction et le préjudice subi
? être dédommagé du manque à gagner…
Personnellement, je vous recommande de prévoir au moins 25.000 € de pénalité financière par client détourné (entre parenthèses, si vous êtes obligé de passer par un tribunal, cette pénalité financière servira de point de départ de la réflexion du juge pour déterminer le montant auquel on a droit. Un argument de plus pour la prévoir !).
Dernières notions importantes
Enfin, sachez que pour être valable, votre clause de non-concurrence doit être indispensable et proportionnée. Quand la clause est mal rédigée et ne correspond pas à une réalité économique justifiable, le juge pourra ou la supprimer ou l’adapter (durée, objet, étendue géographique).
BONUS
Lettre type à envoyer à votre ex-associé qui ne respecte pas la clause de non-concurrence
Cher Ex-associé,
Ci-joint la preuve comme quoi tu as détourné un client de ma société. Tu as violé la clause de non-concurrence qui nous lie (voir également ci-joint le document signé entre nous en date du…).
Tu me dois 25.000€.
Merci de payer sur tel compte bancaire dans les 24h.
Dans le cas contraire, ce sera avocat et procès.
Y’a plus qu’à ? Inspirez-vous de ma clause de non-concurrence !
Pour vous aider à passer de la théorie à la pratique, je partage avec vous mon modèle de clause de non-concurrence. C’est celui que j’utilise personnellement avec mes clients, en prenant soin bien sûr de l’adapter à chaque cas particulier. Faites de même ! Enjoy ?
Téléchargez le PDF ICI
Une protection supplémentaire : un compte bloqué avec l’argent de la vente
Enfin, un dernier truc que je conseille à mes clients pour s’assurer que l’autre respectera la clause de non-concurrence : bloquez une partie de l’argent pour le rachat des actions jusqu’à expiration de la clause de non-concurrence. Soit sur un compte tiers via votre avocat, soit sur un compte bloqué au nom des deux à la banque.
En pratique, je vous l’accorde, ce n’est pas évident à négocier. Mais si votre ex-associé a besoin d’argent, ça peut passer !
C’est souvent une info que l’acheteur peut connaître soit parce que l’associé vendeur lui en a parlé avant le clash, soit parce que l’acheteur peut avoir accès aux mails du vendeur.
A ce propos, dès que vous sentez de l’eau dans le gaz avec votre associé, je vous conseille de créer rapidement votre boite mail indépendante. C’est vitale lors d’un litige entre associés pour toutes les informations sensible vous concernant.
Une clause de non-concurrence est-elle toujours nécessaire ?
Pour prendre le contrepied de ce que je viens d’expliquer, je terminerai par préciser que la clause de non-concurrence n’est pas toujours indispensable. Tout dépend de la situation et du profil de l’associé qui part, en fait !
Cas vécu : Récemment, je me suis occupé du cas d’un frère et d’une sœur actifs dans les assurances et qui avaient décidé de se séparer. La sœur partait pour changer de vie. Elle souhaitait se consacrer à une nouvelle activité non concurrente, l’immobilier, dans laquelle elle était déjà impliquée.
Fallait-il à tout prix protéger le frère contre un risque de détournement de clientèle ?
Dans ce cas précis, j’estime que c’était inopportun. Une telle exigence aurait pu crisper la négociation alors que la sœur était clairement passée à autre chose. Le risque de concurrence était quasi nul. Le deal a donc été bouclé sans clause de non-concurrence, et tout le monde était content !
En bref
? Le meilleur moment pour rédiger une clause de non-concurrence est au début de l’association, mais vous pouvez aussi le faire dès que vous sentez le vent tourner entre vous et votre associé ou au moment de vous séparer.
? La clause de non-concurrence se prévoit dans le pacte d’actionnaires, ou dans la convention de cession d’actions, ou même sur une simple page A4.
? Une clause de non-concurrence doit contenir un objet, une zone géographique, une durée, ET SURTOUT une pénalité financière.
? La pénalité financière est un moyen très efficace pour dissuader votre ex-associé de ne pas respecter la clause de non-concurrence, et ce sans passer forcément par la case tribunal.
Voilà, tout est blindé grâce à votre clause de non-concurrence ?
Oui, mais maintenant ? contre le débauchage de votre personnel et le dénigrement par votre ancien associé, vous faites quoi ? Eh bien, vous prévoyez en plus une clause de non-débauchage et une clause de non-dénigrement.