L’aventure se termine avec votre associé : vous vous séparez. Alors qu’il part avec perte et fracas, peut-il exercer la même activité ? Partir avec les clients ou avec le personnel essentiel pour le fonctionnement de votre société ? Peut-il vous dénigrer ? Si votre chiffre d’affaires est impacté à la baisse, alors la ligne rouge a été franchie : on est en plein dans de la concurrence déloyale ! Clauses de non-concurrence, de non-débauchage, de non-dénigrement … Voici mes conseils pour vous prémunir, et ainsi protéger les organes vitaux de votre boîte.
Bon, soyons direct, cet article est un article fleuve. Alors pour qu’il soit plus lisible et digeste, une fois n’est pas coutume, voici un sommaire ?
SOMMAIRE
- Petit traité d’anatomie de la séparation
- Comment identifier une concurrence déloyale ?
- Comment se protéger de la concurrence déloyale ?
- Que faire si votre ex-associé pratique une concurrence déloyale ?
- L’accord à l’amiable : la bonne pratique pour éviter le procès
- La question qui pique : on peut quand même continuer la même activité ?
- Se protéger de la concurrence déloyale, en bref
Petit traité d’anatomie de la séparation
Laissons-nous aller à une comparaison entre votre association et des organes du corps humain.
? Le cerveau, c’est votre associé et vous. Vous dirigez, vous définissez l’ADN de votre société, la marche à suivre.
? Le cœur, c’est votre personnel clé. C’est grâce à vos salariés et vos sous-traitants que le corps fonctionne.
? Les poumons, ce sont vos clients. Ils apportent l’oxygène – le travail, le cashflow -, indispensable pour que votre cœur et votre cerveau soient irrigués correctement.
Que se passe-t-il si un de ces organes dysfonctionne se met à saigner abondamment ou s’arrête du jour au lendemain ? Pas besoin d’être Docteur Mamour pour connaître la réponse.
? Chargez à 360.
? On le perd. On le perd.
? Biiiiiiiip
? Time of death : eleven fifty-two (c’est toujours plus classe de le dire en anglais)
Au moment de la séparation, pour en venir à notre sujet, un organe qui flanche et c’est toute votre société qui peut en souffrir. On ne dit pas la mort, mais une sale période et parfois même la faillite.
Scénario n°1 : matelas VS bodybuilders
Donc, reprenons : suite à un litige, vous décidez de vous séparer. Votre associé part et vous gardez la société.
Dans ce cas de figure, Derek – votre associé – décide de monter une activité diamétralement opposée à la vôtre. Disons que vous vendez des matelas king-size sur Internet et que lui va vendre des compléments alimentaires pour bodybuilders.
Derek peut parfaitement contacter des clients de son ancienne société pour sa nouvelle activité. A priori, les deux domaines sont tellement différents qu’il n’y aura pas de concurrence déloyale.
Scénario n°2 : le bon, la brute et la concurrence déloyale
Finis Derek, les tables d’opération et les ferry-boat de Seattle (qui a dit que je regardais trop Grey’s Anatomy ?). Maintenant, nous partons au far West pour nous frotter à un gars qu’on connait tous : le cow-boy.
Et croyez-moi, même dans le monde moderne, le cow-boy existe – et je ne parle pas de ce monsieur qui crie « Yihaa » à trois heures du matin dans la rue.
Le cow-boy, c’est l’ex associé qui part avec perte et fracas :
? Il va exercer la même activité
? Il va débaucher une partie du personnel
? Il va détourner une partie ou la totalité de la clientèle
Il suffit d’un de ces points de friction pour entrer dans le cadre de la concurrence déloyale.
Il n’y a pas à chipoter : il prend un bout du cerveau, pas mal du cœur et siphonne l’oxygène qui remplit vos poumons. Amputée d’autant d’organe vitaux, votre société ne peut que défaillir.
Ah oui, et il y a aussi la seconde vague, le double effet Kiss Cool. En plus de vous martyriser physiquement, il va prendre un malin plaisir à vous dénigrer. Et s’il a des employés acquis à sa cause, votre réputation peut descendre en flèche.
Petit et grand cow-boy : même combat
J’identifie deux types de cow-boys :
? Le petit cow-boy : il attend d’être parti pour commettre ses méfaits
? Le grand cow-boy : il a déjà bien préparé son départ en coulisse, sous vos yeux – boom, vous voilà Bisounours alors que vous vous croyiez Crocodile.
Donc, le grand cow-boy est le plus pernicieux. Il a fait semblant de rester, tout ça pour créer une autre société en secret, débaucher votre personnel et détourner votre clientèle. Et là, grand malin que vous êtes, au moment de la séparation, vous vous rendez compte que vous avez acheté une coquille vide.
Et c’est d’autant plus rageant que votre ex-associé encaisse le pactole deux fois :
1️⃣ Quand il vous vend ses actions
2️⃣ Quand il récupère vos clients
Si ça c’est pas de la concurrence déloyale, je mange mon chapeau …
Comment identifier une concurrence déloyale ?
Pour identifier une concurrence déloyale, posez-vous cette question « Est-ce que la nouvelle activité de mon ex-associé impacte négativement mon chiffre d’affaires« . Et analysez le pourquoi de l’impact :
❓La clientèle déjà établie l’a suivi
❓La nouvelle clientèle est aspirée par cette nouvelle boite
❓La fuite de personnel qualifié d’une société à l’autre met à mal votre fonctionnement
❓Les rumeurs et le dénigrement lancées par votre ex-associé mettent à mal votre réputation
PSSST : c’est valable dans l’autre sens aussi. En récupérant de la clientèle et des ressources, vous avez mis à mal le chiffre d’affaires de votre ex-associé. En fait … Mais c’est vous le cow-boy !
Donc, si la réponse est « oui » à un ou plusieurs de ces points, le C.A. est impacté de manière négative, on est dans le cadre de la concurrence déloyale.
Comment se protéger de la concurrence déloyale ?
On identifie trois clauses pour permettre de se protéger contre la concurrence déloyale d’un ex-associé :
? La clause de non-concurrence
? La clause de non-dénigrement
(et une quatrième clause : la Santa Claus?)
1. La non-concurrence, à définir au début de l’association
Cette clause vous protège contre la pratique par votre ex-associé de la même activité que celle que vous aviez ensemble. Et elle vous protège du détournement de clientèle.
Cette clause de non-concurrence est à prévoir à la constitution de votre association quand vous envisagez les conditions de votre séparation. Vous le savez si vous me lisez régulièrement : c’est au début de votre association que vous envisagez le pire.
Si elle n’a pas été prévue au moment de la constitution, il faudra alors la prévoir au moment de la séparation … Vous savez, lors des joyeuses négociations de rachat/vente des parts de la société.
2. Le non-débauchage, évitez le départ du personnel clé
Qu’on se le dise : le personnel salarié ou les sous-traitants sont libres de démissionner ou d’arrêter leur collaboration. Rien dans la loi ne les empêchent aussi de travailler pour votre ex-associé. Pour autant, il existe une clause de non-débauchage.
Cette clause de non-débauchage peut vous protéger de la désorganisation de l’entreprise ou de son dysfonctionnement. Elle se prévoit au moment de l’association ou de la séparation.
3. Le non-dénigrement, pour préserver sa réputation
La clause de non-dénigrement vous prémunit des discours négatifs d’ex-associés qui visent à ternir votre réputation. Cette clause se prévoit au moment de la séparation dans l’accord à l’amiable.
Trois clauses et des pénalités financières
Le point commun entre ces trois clauses, ce sont les pénalités financières. Ces pénalités sont à prévoir dans les statuts de la boite, dans le pacte d’associés ou dans l’accord à l’amiable. On pourrait demander, par exemple, 25000€ par client détourné.
Évidemment, vous ne pouvez pas empêcher le débauchage ou le dénigrement. Mais les pénalités financières prévues par ces clauses peuvent freiner votre ex-associé. Et elles peuvent en plus vous dédommager financièrement du manque à gagner occasionné par de telles pratiques.
Ces clauses sont hyper importantes et permettent de limiter la casse le plus rapidement possible.
Définir ces trois clauses rapidement est évidemment simpliste : elles sont chacune beaucoup plus compliquées, parce qu’il y a beaucoup à dire à leur sujet. Mais bon, comme on ne voulait pas vous surcharger en informations, on s’est dit qu’on allait écrire des articles spécifiques pour détailler chaque clause (en cours de rédaction).
Et, petit cadeau, je vous partagerai les clauses que j’utilise avec mes clients. Il vous suffira juste de copier/coller et de les adapter !
Que faire si votre ex-associé pratique une concurrence déloyale ?
Je vous vois vous agiter sur votre chaise. Vous avez envie de crier « ON VA AU PROCÈS ! ».
Tu, tu, tu … Pas si vite petit papillon. Être sanguin et partir sur les chapeaux de roue vous desservira plus qu’autre chose. Parce qu’il faut penser aux conséquences temporelles et financières d’une action au tribunal :
? Entre 1 et 3 ans de procès
? Minimum 10000€ en frais d’avocats
? Des ressources et de l’énergie mobilisées qui entrainent une véritable fatigue physique et morale
Et pendant que vous vous agitez, votre ex-associé aura fait son petit bonhomme de chemin. Il continue à encaisser le C.A. généré grâce aux clients détournés. Et vous ? Ben … Vous vous épuisez au tribunal, tout en vous épuisant au boulot, tout en vous épuisant à gagner une nouvelle clientèle.
Et puis … Ben, partir au tribunal, ça ne veut pas dire gagner son cas.
Pouvoir apporter les preuves de concurrence déloyale
Il ne s’agit pas de crier « il m’a concurrencé déloyalement ! ». Il faut pouvoir apporter des preuves tangibles :
? Prouver la faute personnelle de l’ex-associé : c’est à dire que c’est bien votre ex-associé qui a monté une nouvelle boite directement en concurrence avec la vôtre. S’il y a un homme ou une femme de paille – sa mère, sa femme, son frère qui porte la société à son nom -, bon amusement !
? Prouver la perte ou le préjudice : c’est à dire définir combien d’argent la société n’encaisse pas à cause de l’activité concurrentielle. Chiffrer un montant réaliste et défendable devant un juge … Ben c’est une vraie galère !
? Prouver le lien entre les deux : c’est à dire que c’est À CAUSE de la nouvelle société montée par votre ex-associé que vous avez une perte d’argent.
Pour s’éviter ces galères, il vaut donc mieux avoir anticipé le problème. Je sais, je sais, plus facile à dire qu’à faire. Et si vous êtes en train de lire ces lignes, vous vous dites : c’est gentil mon coco, mais moi je fais comment alors ?
L’accord à l’amiable : la bonne pratique pour éviter le procès
Si vous n’avez rien prévu au moment de vous associer, pour éviter tout jeu de concurrence déloyale, la meilleure astuce reste l’accord à l’amiable au moment de la séparation.
Lors de cet accord, en plus de vous engager à ne pas vous dénigrer mutuellement, vous répartissez :
? Votre activité
? Votre clientèle
De manière propre et entendue. Deux cas de figure pour autant :
1. Vous gardez la société, votre associé part
Une information non négligeable : les clients appartiennent à la société. Ils n’appartiennent pas aux associés, ce qu’ils oublient souvent lors de la séparation. Ce qui entraine deux conséquences :
? Votre ex-associé doit racheter les clients à votre société
? Chaque client doit être valorisé, sur base par exemple du chiffre d’affaire engrangé par ce client
2. Vous liquidez la société
En liquidant la société, chaque ex-associé peut se consacrer à un pan de l’activité avec la clientèle qui correspond. Mais attention ! Ce n’est possible que si la société n’a pas de dettes vis-à-vis d’un fournisseur, de la banque, des impôts ou des charges sociales.
S’il y a des dettes et, par conséquent, une faillite, le curateur pourra exiger que vous payiez le rachat de la clientèle pour que la société puisse payer ses dettes.
La question qui pique : on peut quand même continuer la même activité ?
Normalement NON.
Sauf (j’adore ce jeu) si :
✅ Vous avez établi un accord à l’amiable (on vient de l’expliquer)
✅ Vous exerciez déjà cette activité avant de vous associer, et que vous avez maintenu cette activité concurrente pendant toute la vie de votre association.
Je m’explique : vous réalisiez des vidéos court-métrage. Votre société réalisait de la vidéo long métrage. Vous avez continué votre activité de court-métrage en toute transparence. Lors de la séparation, vous pouvez continuer à faire du court-métrage …
Mais pas du long métrage, sinon vous entrez dans le cadre de la concurrence déloyale.
Un listing pour éviter toute confusion
A la constitution de l’association, si vous savez que vous gardez votre activité en parallèle, établissez un listing de vos clients persos. Faites signer ce listing par les deux parties pour accord et continuez de les facturer sur votre activité initiale, de manière transparente vis à vis de votre associé.
Par contre, dès que vos clients passent par la nouvelle société, ils appartiennent à la société. D’ailleurs, si vos clients passent par votre nouvelle société, celle-ci doit vous les racheter. Parce que vous venez de lui faire un apport en clientèle.
Après 10 000 mots, deux semaines de préparation, une menace de « je vais t’envoyer le stylo à la figure » et douze litres de café, on peut passer à la dernière section :
En bref
Se protéger de la concurrence déloyale
Pour résumer, avant de se protéger de la concurrence déloyale, il faut pouvoir bien appréhender le concept.
En clair, pour votre société, ce serait :
❌ Un ex-associé qui monte le même concept que le vôtre
❌ Un ex-associé qui débauche une partie de votre personnel
❌ Un ex-associé qui siphonne une partie de votre clientèle
❌ Un ex-associé qui dénigre votre société
Un de ces actions suffit pour impacter négativement votre C.A. Le grand cow-boy, lui, aime cumuler et vous en faire voir de toutes les couleurs – le rodéo, il kiffe ça.
Pour se protéger, quelques solutions avant de penser au procès – long, coûteux, déprimant :
✅ Établir des clauses : non-concurrence, non-débauchage, non-dénigrement qui peuvent amener à des pénalités financières
✅ Établir un accord à l’amiable : bonne répartition de l’activité et de la clientèle
✅ Établir une liste des clients apportés de manière personnelle à l’entreprise nouvellement créée
Comme toujours, il vaut mieux prévenir que guérir. N’hésitez pas à aborder toutes ces questions dès la création de votre association.
Quand j’y pense, il y a très peu d’articles qui mettent en avant Grey’s Anatomy, un cow-boy, le Père Noël et un Bisounours tout en parlant de concurrence déloyale.